Défi 6/12 – Récit d’une partie d’Appel de Cthulhu 

Je suis certain que j'ai mangé, que Miss Click a mangé et que les membres de l'expédition ont mangé !!!

Cependant, en allant regarder dans les voitures, j'ai remarqué que toutes les provisions achetées avec Miss Click pour l'expédition n'ont pas été touchées… Mais je suis sûr que nous avons mangé … mais qu'AVONS-NOUS MANGÉ ?????????????????

Salut cher rôliste.

Aujourd'hui, je vais te parler d'une partie que j'ai faite fin août 2022 sur un jeu très connu : l'Appel de Cthulhu (lien Wikipédia pour ceux qui ne connaissent pas).

Et oui, encore de l'horreur, mais cette fois-ci Lovecraftienne. 🙂

Pour donner un peu de contexte, j'ai revu un ami très proche rôliste que je n'avais pas vu depuis 4 ans et j'ai rencontré sa copine pour la partie de l'Appel de Cthulhu. Le groupe était donc composé d'un MJ que je connais très bien, d'une joueuse que je venais de rencontrer et de moi... d'excellente condition pour une partie mémorable ! 🙂

On s'est tellement bien marré, qu'on a enchainé avec l'épisode 1 de Channel Fear pour qu'ils puissent jouer ensemble (mon ami MJ est très peu PJ, car exigeant ^^).

En tant que tel, l'article va être assez court, c'est pour ça que j'ai eu envie de te partager le récit de l'aventure que j'ai extirpé de mes notes. J'ai voulu l'adapter à un style Lovecraftien en le composant sous la forme d'un carnet de voyage qu'aurait tenu mon personnage.

J'espère que la lecture te plaira, mais avant ça, j'aimerais aborder une réflexion sur la notion d'horreur dans une partie de JDR.

Réflexion sur l'horreur en JDR

Je voulais partager avec toi une réflexion que j'ai sur les parties de JDR d'horreur. Ce point de vue a sans aucun doute déjà été présenté par un certain nombre d'experts du genre. Cependant, j'apprécie d'exprimé certains sujets avec mes mots, ma reformulation de mon expérience vécue, pour l'a partager de manière différente.

L'horreur est un genre particulier, surtout dans le JDR : ce n'est pas forcément simple à mettre en place.

Je pense que tous les genres littéraires peuvent s'adapter à une histoire horrifique, même My Little Pony 🙂 et à mon sens, il existe bien des façons d'apporter de l'horreur dans une partie.

Je vais prendre trois exemples simples et communs pour apporter de l'horreur. Il en existe potentiellement d'autres.

• Une créature horrible qui est censée inspirer le dégoût, une répugnance physique et de l'incompréhension sur l'existence même de cette créature.
• Une situation ou un acte horrible qui est sensé inspirer également le dégoût, mais cette fois-ci à travers une répugnance morale. Cela peut amener à des sentiments de révolte, d'impuissance ou d'inéluctabilité qui font partie de l'horreur.
• De la tension, un stress qui va accompagner les deux éléments ci-dessus pour leur donner plus de corps. Je parle d'ambiance stressante où il existe une tension, pas de jumpscare, qui n'est pas forcément utile à l'horreur, c'est plus de la surprise, du sursaut, un coup de stress.

Si je prends l'exemple de notre partie de l'Appel de Cthulhu, il existe une vraie différence entre l'interrogation sur ce qu'on a mangé durant l'expédition avec l'idée de cannibalisme (situation/acte) et entre la poursuite avec la créature abominable que nous avons vécue à la fin du scénario.

Je ne me souviens plus du tout de la description de la créature ni de l'image que j'ai vue. Très peu d’éléments sont restés en mémoire hormis la scène de fin que je sous-entends dans le journal ci-dessous (pas de spoil ^^).

Ce qui me reste en mémoire, c'est l'horreur de retrouver toutes les provisions intouchées et de me poser la question : mais du coup, qu'est-ce que nous avons mangé ? Dans la tension du moment, en un instant de réflexion, je passe de l'incompréhension, au dégoût puis à la révolte, voire au déni et à l'abandon, quand j'imagine que nous avons mangé de la chair humaine.

À aucun moment, le MJ ne m'a confirmé ou infirmé. En fait, ça n'aurait que détruit mon sentiment d'horreur qui était né en moi, car l'impact est plus grand quand c'est l'imagination du joueur qui crée l'horreur, celle qui n'est pas exprimée ni montrée. 

Comme je disais, il y a différents moyens d'amener de l'horreur dans une partie. Pour moi, cette horreur que j'ai décrite ci-dessus, c'est la plus difficile à mettre en place, mais c'est la meilleure forme d'horreur dans une partie de JDR. Le reste, l'ambiance, la musique, l'immersion ou même les mécaniques de jeu, ne sont que des artifices pour ces scènes, ces moments de RP qui resteront gravés en mémoire : c'est l'imagination du joueur, la peur qu'il se créer lui-même qui aura le plus d'impact dans une partie d'horreur.

Dans ma réflexion, c'est donc l'envie et l'acception du joueur (PJ) à avoir peur dans une partie de JDR qui donne le pouvoir à celle-ci d'être une partie dite d'horreur. Sans ça, à mon sens, l'horreur ne peut pas prendre et il ne reste que la tension narrative qui tient en haleine.

Deux citations intéressantes sur les films d'horreur :

• David Moreau, un des réalisateurs du film français Ils sortit en 2006 (extrait du dossier de presse Ils) : « Une imagination bien stimulée engendre beaucoup plus de frayeur que tous les monstres gluants ou toutes les scènes sanguinolentes décapitées qu’on pourra montrer. »
• Edward Lowry, un universitaire et critique, auteur de l'article Genre and Enunciation : the case of horror publié dans le Journal of Film and Video, volume 36, n° 2, printemps 1984 : « Aucun autre type de film ne dépend si profondément d’une relation sadomasochiste entre le public et le spectacle qu’est le film d’horreur. »

Pour conclure cette réflexion sur l'horreur, j'aime beaucoup la citation d'Edward Lowry et en extrapolant, ça donnerait quelque chose du genre : "la partie de JDR d'horreur dépend profondément d'une relation sadomasochiste entre le groupe de joueurs et le scénario d'horreur mené par un MJ dans sa partie de JDR." 

Qu'est-ce que tu en penses ? 🙂

Carnet de voyage du Dr Quincy Posch

Carnet de Voyage du docteur Quincy Posch, août 1920

26 août 1920

J'ai reçu une missive de la société Mystaconic pour l'accompagnement d'une expédition archéologique dans les marais proche de La Nouvelle-Orléans. 

Étant donné qu'il faudra s'enfoncer dans le bayou, un médecin pour éviter les maladies locales et pour parer aux incidents inhérents à ce genre de voyage, je pense que ma présence ne sera pas de trop.

Je serais accompagné par une certaine Miss Click, une aventurière arrivée récemment à La Nouvelle-Orléans. Son nom ne m'est pas inconnu, je l'ai auscultée il y a quelque temps pour un problème de santé bénin.

J'ai décidé de débuter un nouveau carnet de notes pour cette nouvelle entreprise. Je l'ai sobrement intitulé Carnet de Voyage.

27 août 1920

J'ai rencontré Miss Click aujourd'hui, une charmante demoiselle au caractère et à l'indépendance prononcé. Nous nous sommes entretenus au sujet de l'expédition et malgré son jeune âge, elle a l'air d'avoir vécu un certain nombre d'aventures.

Nous avons passé la journée à lister l'ensemble du matériel et des provisions utiles pour l'expédition. Ensuite, connaissant bien la ville, j'ai dressé une liste des contacts dont nous aurions besoin pour nous fournir dans les temps assez serrés. Mon acolyte était surpris du nombre de personnes que je connaissais. Je lui ai répondu avec un trait d'humour que beaucoup de monde passait de mon cabinet et qu'à force de voir toutes ces têtes, je me souvenais des visages et des activités de mes patients.

Avec Miss Click, nous passerons les prochains jours à préparer l'expédition.

29 août 1920

Les deux derniers jours ont été intenses, mais nous avons pu commander et recevoir une partie des fournitures pour l'expédition. Le reste devrait être livré dans la journée de demain.

J'ai passé un très bon moment avec Miss Click. Au-delà de son intrépidité, elle sait être une cavalière élégante avec énormément de conversation. Par contre, c'est clair qu'elle est intrépide... je ne sais pas comment elle a réussi, mais elle a dégoté 3 bâtons de dynamites !!!!

Je trouve ça un peu dangereux, mais elle m'a assuré que c'était toujours utile, surtout dans un cadre archéologique. Cela m'a étonné, mais elle est experte dans son domaine, donc je lui fais confiance.

Demain, nous accueillerons les membres de l'expédition.

30 août 1920

Nous avons rencontré le Professeur Morrison et les membres de l'expédition.

Le premier contact a été compliqué entre Miss Click et le professeur, celui-ci refusant de lui répondre hormis les salutations standards du protocole. Ce British un peu excentrique et vieux jeu a commencé à délier sa langue avec elle au moment où nous regardions les cartes de la région, mais bon il a fallu quelques Brandy's durant le déjeuner pour le décoincer. Il faudra que je sois vigilant, le fort caractère de Miss Click pourrait créer des étincelles avec le professeur Morrison.

Bref, notre destination est la Vallée des Esprits, au bord du bayou. Selon Miss Click, le chemin pour atteindre la Vallée et le tombeau est situé dans le territoire des pumas. Il faudra être prudent.

Nous y chercherons un ancien tombeau autochtone, le tombeau du chef Pochiwy. L'objectif de l'expédition est d'étudier le site, car selon les mythes, il préserverait de la mort. Le professeur Morrison et ses assistants pensent qu'il y aurait des plantes médicinales rares qui seraient à la source de la légende.

Forcément, en tant que médecin, mon intérêt grandit encore plus pour cette aventure. Cela pourrait m'aider dans la réalisation de mon rêve, la construction d'un hôpital qui porterait le nom de ma famille.

Durant notre discussion, j'ai partagé avec les autres membres mon souvenir d'une vieille légende locale qui correspondrait. D'après les histoires, le tombeau serait maudit. Effectivement, il semblerait que les personnes qui s'y rendent ne meurent pas, mais quand elles reviennent, elles sont comme éteintes.

Pour notre expédition, nous sommes accompagnés par :

• Le professeur Morrison et ses 3 assistants : le professeur Flint, le professeur Jennings et le professeur King. Même s'ils sont d'origines britanniques, je les trouve très pâles, presque maladifs. Ils m'ont confirmé qu'ils ont été contaminés par quelque chose lors de leur dernier voyage, mais que tout allait bien. Ils ont déjà leur traitement qui prend du temps.
• 3 gardes d'origine africaine, sans doute d’anciens soldats de la Grande Guerre. Ils ne parlent pas anglais, mais semblent comprendre les ordres des professeurs. Ils se nomment Kuntate, Tobi et Bob.

Je vais m'arrêter là pour ce soir, demain nous partons tôt et nous avons environ 3 jours de voyage en voiture. Je vais me reposer pour être en forme.

31 août 1920

Tout se passe bien pour l'instant. Miss Click a toujours un peu du mal avec l'attitude du professeur Morrison. Demain, nous échangerons les passagers pour éviter les tensions.

Sinon pour leurs archives, j'ai pris un cliché photographique du Pr Morrison et de ses assistants. Ils auront un souvenir de La Nouvelle-Orléans !

1 septembre 1920

Nous avons été réveillés par des prédateurs qui rôdaient dans la nuit. Selon l'expertise de Miss Click, ce sont des pumas. Elle s'est aventurée dans la forêt pour les éloigner. Je ne suis pas un très bon chasseur, mais cela m'a semblé dangereux, mais après tout, elle semblait suivre des traces que je ne distinguais pas. C'est elle l'experte.

Sinon la route a été longue et pas très intéressante. Demain, nous devrions atteindre la zone de recherche, la Vallée des Esprits.

Je vais me coucher tôt pour être en forme demain, la fatigue des derniers jours se fait sentir.

2 septembre 1920

Bon, je reste encore fatigué, car la nuit a été agitée ! Un membre de notre expédition est mort cette nuit dans des circonstances particulièrement étranges. C'est Bob qui nous a quittés.

Étant donné que je me reposais dans ma tente, je n'ai pas vu ce qu'il s'est passé, mais quand je suis sorti, j'ai aperçu une masse noire sortir de la bouche de Bob, comme si c'était une très grosse sangsue.

Les compagnons du défunt m'ont dit qu'ils étaient contaminés par quelque chose et il semblerait que ce soit ce genre de parasite, cette sangsue, qui les rendent malades.

Quand j'ai voulu examiner ce spécimen, je n'ai vu que des insectes. J'ai essayé de les toucher avec un petit bâton, mais je n'y arrivais pas, comme si je les traversais... puis les insectes se sont dispersés et dans leurs sillages, j'ai découvert des écritures étranges sur le sol.

Je les ai prises en photo, je ne sais pas si la qualité sera bonne.

Bref, la fatigue et le manque de sommeil me jouent clairement des tours. Il va falloir que je sois vigilant sur la route.

Nous sommes arrivés à la Vallée des Esprits et nous voyons le tombeau au loin. Il me parait vraiment très grand, je ne l'imaginais pas comme ça. Pendant que l'expédition se prépare, quelqu'un va essayer de prendre quelques clichés.

Je ne comprends pas... Je suis certain que j'ai mangé, que Miss Click a mangé et que les membres de l'expédition ont mangé !!!

Cependant, en allant regarder dans les voitures, j'ai remarqué que toutes les provisions achetées avec Miss Click pour l'expédition n'ont pas été touchées… Mais je suis sûr que nous avons mangé … mais qu'AVONS-NOUS MANGÉ ?????????????????

?? septembre 1920

Je me suis réveillé chez moi complètement désorienté, avec un whisky dans la main et une lettre de la Mistaconik déplié sur mes genoux. La société me remercie de mes services et en "dédommagement des troubles survenus", elle me créditait de 200 000$. La lettre insiste sur le "motus et bouche cousue qui est de rigueur", car un hôpital, cela peut vite être fermé.

Est-ce que cela valait le coup, après le massacre de l'expédition et la perte de Miss Click ? Et si je parle de ce qui s'est passé, pour qui va-t-on me prendre ? Un meurtrier ? Un lâche ou un fou ? De toute façon personne ne croira... Je doute de me croire moi-même tellement mes souvenirs sont flous.

Il y avait quelque chose qui dormait dans le tombeau, quelque chose de gros et de très ancien, mais je suis incapable de le décrire ou de le nommer... Je ne voulais pas regarder en arrière quand cette chose a surgi du tombeau et nous poursuivait. Miss Click, cette pauvre Miss Click qui s'est sacrifiée pour que je survive... J'ai cette folle image en tête, de cette chose qui... gobe l'aventurière avec sa bouche pleine de dents... si c'était bien des dents. Quand c'est arrivé, dans sa main, Miss Click tenait un bâton allumé de...

Mon Dieu, j'ai le cœur tellement serré en pensant à tout ça... La culpabilité d'être en vie grâce à Miss Click me ronge, mais finalement, c'est elle qui était la mieux préparée à tout ça.

Il me semble plus judicieux d'oublier tout ça, sinon je vais devenir fou.

Je vais me concentrer sur mon rêve, la création de mon hôpital à La Nouvelle-Orléans. Autant que cette "expédition" serve à quelque chose de bon.

22 janvier 1921

J'avais bien rangé ces affaires pour les oublier... mais hier j'ai reçu une nouvelle lettre de la Mistaconik. Cela a réveillé en moi de douloureux souvenirs malgré le fait que j'ai brulé directement la lettre. Je pensais que la société m'avait oublié et secrètement, j'espérais avoir été radié.

Cela fait 6 mois et cette nuit, à cause de cette foutue lettre, j'ai cauchemardé. J'avais cette image... l'image du tombeau en tête et il fallait que ça sorte de mon esprit. J'ai dessiné toute la nuit de manière frénétique, mais au moins j'ai pu me rendormir.

J'ai retrouvé le carnet et quelques babioles que la Mistaconik n'a pas jugé bon de prendre. Il se trouve qu'il reste trois planches photographiques qui n'ont pas été développées, elles se sont perdues dans les affaires.

J'ai demandé à un professionnel un peu excentrique de les développer en toute discrétion. J'ajouterai les photos et mon dessin réalisé dans la nuit quand j'enverrais le tout au The Vagrant.

Pour la nouvelle année, j'ai été contacté par un certain W. Paul Cook, le rédacteur en chef de la revue amateur The Vagrant. Il a eu vent de l'expédition par des sources secrètes et il souhaitait s'entretenir avec moi.

Avec sa lettre, il m'a joint une revue, le numéro 11 paru en novembre 1919. Je l'ai lu et j'ai été très perturbé par une nouvelle intitulée Dagon, d'un jeune auteur dont j'ai oublié le nom. Un sentiment de déjà vu. Heureusement, la fin n'est pas la même, en tout cas pour ma personne...

J'avais rangé tout ça dans un placard, mais depuis cette nuit, je me suis dit que j'allais mettre le plus de distance entre moi et cette expédition. J'ai donc décidé de tout envoyer pour être vraiment et définitivement tranquille.

27 janvier 1921

 J'ai récupéré les clichés photographiques et je les ai intégrés dans le carnet.

Quand je regarde le cliché du professeur Morrison et de ses assistants, j'y découvre des anomalies : les visages semblent déformés, la plaque d'immatriculation du camion ne veut rien dire et il manque le crucifix au-dessus de la double porte en bois.

Franchement, vu les événements, cela ne m'étonnerait guère que des ondes impies émanassent d'eux et qu'elles aient perturbé la prise du cliché.

Peut-être que mon cerveau imagine des choses, mais sur la photographie, c'est flagrant !

1 février 1921

Je suis interloqué par mon dessin. Avant de l'insérer dans l'enveloppe et de l'envoyer à M. Cook, je l'ai regardé sous un nouvel angle : sur les bords, la représentation de la végétation est composée de forme étrange. Je me demande si mon esprit troublé n'a pas essayé de reconstituer cette chose horrible et indescriptible, mais que mon cerveau est resté focalisé sur la sépulture ancestrale.

Bref, tout ça sera loin de moi, à partir de ce soir.

Image d'illustration du journal généré par IA : Stable diffusion et Midjourney

Les boites Chroniques Oubliées sur Cthulhu

Produit par Black Book Édition, ces boites d'initiations sont également une excellente alternative à l'Appel de Cthulhu édité par Edge Studio. Motorisé par le système Chroniques Oubliées qui a fait ses preuves et que j'apprécie beaucoup.